Emily Ludwig Shaffer
Wall-To-Wall
October 15 - December 16, 2020
Originally a vaulted underground dining chamber and refuge from the summer heat, the gardenscape fresco room from the Villa of Livia is the primary inspiration for Emily Ludwig Shaffer’s four new paintings in Wall to Wall. Dating back to the 1st century BC, the villa was owned by Empress Livia Drusilla and was likely a part of the wedding dowry in her marriage to Augustus. Since being removed from its original site in the 20th century, the gardenscape room is now preserved and on display as an all-encompassing installation at the Museo Nationale Romano. The wall paintings include a wide array of plants found in Italy at the time including acanthus, quince, pomegranate, date, and species of oak. The whole scene is framed twice by both a woven fence and an unending low pink wall. It’s an impossible garden, however, as the plants are all heavy with leaves, fruit, and flowers, when indeed many of these species reach peak season at different times of year.
The four paintings Shaffer presents in the exhibition were conceived during the artist’s 3-month quarantine at her Aunt and Uncle’s in rural Massachusetts. These paintings continue the artist’s interest in imaginary domestic spaces and gardens, while references to the Livia frescoes appear directly and indirectly. After The Farm, Stay In Get Out, and Courtyard Staging appropriate architectural or botanical elements from the frescoes and set them into new context, while in Hidden Away, an intimate garden dining space reflects back the original functionality of the frescoed room.
Like the impossible season embodied in the fresco’s flowering plants, Shaffer’s paintings often depict multiple temporal, psychological or physical realities in the same frame. In After The Farm, the sun and moon are both risen in different parts of the painting and the exact season is unclear. In Stay In Get Out, the two stone figures in separate spaces are like simultaneous projections of a nervous brain. Faulty time and multiple states of mind are evergreen to Shaffer’s work, but these motifs have been thrown into sharper relief by the warping of time and priorities this year.
A related idea that Shaffer learned of while preparing these works, was that the word paradise derives from an ancient Persian word that translates approximately to ‘enclosed garden’ or ‘park’. One interpretation of this could be that even the greatest idea we have for beauty, harmony, and peace has embedded human limits — or more insidiously, that it can only be conceptualized through control and exclusion. In the frescoes at the Villa of Livia, a salient image comes to mind: the moments in which a few trees are set apart from the wilder background through slight architectural intervention by the low pink-grey garden wall. The wall jags around these select trees to bring them into our space and separates them from the tangled scenery behind. This gesture is echoed in Shaffer’s painting, After The Farm, where a large red tree is removed from its more natural background and context by a low wooden wall. Shaffer shares that this painting is also a nod to Miro’s 1922 painting The Farm which depicts time spent on his family’s farm in rural Spain through literal details, memories, and impressions.
Inspired by the Livia Frescoes and the hyper-domestic events of this year, Shaffer’s new paintings continue her investigation of architecture, fantasy, control, time, and the spaces women create, curate, and occupy. Unlike the frescoes, however, the spaces Shaffer has created provide stairs, doorways, windows, and paths across the four works that result in porous boundaries between one imaginary space and the next.
Paul Michael Brown // Writer and curator based in Lexington, Kentucky. In 2019, he received an award for short-form writing from the Creative Capital | Andy Warhol Foundation Arts Writers Grant Program.
À l’origine une salle à manger souterraine voûtée et un refuge contre la chaleur estivale, la salle de fresque des jardins de la Villa de Livia est la principale source d’inspiration des quatre nouvelles peintures d’Emily Ludwig Shaffer dans “Wall-to-Wall”, sa deuxième exposition personnelle à la galerie PACT. Datant du 1er siècle avant J.-C., la villa était la propriété de l’impératrice Livia Drusilla et constituait une partie de sa dot de mariage avec l’empereur Auguste. Après avoir été retirée du site original au 20ème siècle, la fresque est aujourd’hui présentée au Museo Nationale Romano à Rome en Italie. Cette dernière donne à voir une variété de plantes et de fruits abondants en Italie à l’époque : des acanthes, cognassiers, grenadiers, des dates et différentes espèces de chêne. Toutes les plantes y sont garnies de feuilles, de fleurs et de fruits alors que ces différentes espèces atteignaient la maturité à différents moments de l’année. On y contemple donc un jardin impossible.
Les quatre peintures que Shaffer présente dans cette exposition furent conçues pendant la quarantaine de trois mois imposée au printemps 2020 par le gouvernement américain pour contrer la pandémie de Covid-19. L’artiste était alors isolée dans la maison de campagne de son oncle et sa tante au Massachusetts – la même maison que l’on aperçoit dans After The Farm. Ces toiles reprennent les thèmes chers à l’artiste, dont les intérieurs et les jardins imaginaires, tout en incluant des références directes ou indirectes à la fresque de Livia. Dans After The Farm, Stay In Get Out et Courtyard Staging, Shaffer s’approprie certains éléments architecturaux et botaniques de la fresque, qu’elle intègre dans un nouveau contexte, tandis que dans Hidden Away, une terrasse intime où l’on s’imaginerait volontiers diner, bordée d’un jardin luxuriant, fait écho en arrière-plan à la fonction originelle de la salle de fresque.
Comme les saisons impossibles incarnées par les plantes fleuries de la fresque, les peintures de Shaffer dépeignent sur un même plan, de multiples réalités temporelles, physiques et psychologiques. Dans After The Farm, le soleil et la lune se sont tous les deux levés dans différentes parties de la toile et la saison exacte est élusive. Dans Stay In Get Out, les deux silhouettes en pierre situées dans différents espaces sont comme les projections simultanées d’un même esprit. Le cadre spatio-temporel est déconnecté du réel et les émotions s’expriment sur des personnages à l’apparence de pierre, laissant transparaitre l’enfermement, l’isolement voire l’agacement ou la mélancolie – autant d’éléments récurrents dans le travail de Shaffer, mais que la quarantaine et les événements récents aux Etats-Unis et dans le monde ont rendu plus perceptibles en cette année 2020, où tout un chacun a pu faire l’expérience de la déformation du temps et des priorités.
En préparant ces œuvres, Shaffer a appris que le mot « paradis » viendrait d’un ancien mot perse que l’on pourrait traduire par « jardin clos » ou « parc ». Cette définition traduit l’idée que l’humain ne peut s’empêcher d’encadrer, de limiter, de rationaliser les concepts infinis donc impalpables de beauté, d’harmonie et de paix – ou plus insidieusement, que ces idéaux ne peuvent être conceptualisés qu’à travers le contrôle et l’exclusion instaurés par l’humain. A propos, un détail saillant vient à l’esprit sur la fresque de la Villa de Livia : quelques arbres sont mis à distance de l’arrière-plan plus sauvage grâce à l’intervention architecturale d’un muret gris-rose. Le mur enclave ces arbres sélectionnés, il les sépare du paysage enchevêtré qui se trouve derrière pour les conduire dans notre espace. Cette même démarche est évoquée dans la peinture After The Farm, dans laquelle un grand arbre rouge est isolé de son contexte et de son arrière-plan naturel par un muret en bois. Clin d’oeil ou hommage, Shaffer nous confiera que cette toile fait également référence à la peinture de Miró La Ferme de 1922, qui dépeint – à travers des détails littéraux, des souvenirs et des impressions – le temps passé par l’artiste dans sa ferme familiale de la campagne espagnole.
Inspirées par la fresque de Livia et les évènements singuliers qui ont marqué cette année 2020, les nouvelles peintures de Shaffer sont imbibées du réel et du présent tout en poursuivant avec cohérence et fluidité, le fil narratif d’une toile à l’autre et l’imbrication des toiles entre elles qui rendent ses toiles si reconnaissables : on y explore l’imaginaire, l’architecture, le temps, le contrôle et l’espace que les femmes créent, organisent et occupent. Et contrairement à l’espace clos représenté sur la fresque, les espaces que Shaffer offrent à voir fournissent au spectateur des escaliers, des portes, des fenêtres et des chemins, comme autant de points de passage pour s’échapper et naviguer d’une oeuvre à l’autre, générant une frontière poreuse entre un espace imaginaire et le suivant.
Paul Michael Brown // Auteur et curateur basé à Lexington au Kentucky. En 2019, il a reçu un prix d’éciturede la Creative Capital | Andy Warhol Foundation Arts Writers Grant Program.